27-05-2024
Article rédigé par Bertrand Coqueugniot
Hé les gars, va falloir se calmer un peu, parce que je n’ai pas du tout envie de devenir un patenté chroniqueur nécrologique pour banjoïstes ! En à peine quelques années sont partis au Paradis des musiciens Sonny Osborne, JD Crowe, Bill Emerson, Terry Baucom, Ben Eldridge, et maintenant Jim Mills.
Ça commence à faire…
Jim Mills je l’avais découvert tout jeune sur le second album de Summer Wages, et il avait la redoutable tâche de remplacer Craig Smith, pour lequel j’avais, et j’ai toujours, une admiration sans borne. Puis au fil des années on l’a vu passer avec les Bass Mountain Boys, Doyle Lawson, puis Ricky Skaggs avec lequel il est resté quatorze ans. Ce fut vraiment son « landmark », explosant alors aux yeux du public et du monde banjoïstique.
Jim était un héritier de l’école Earl Scruggs et JD Crowe. Un jeu au timing irréprochable, et un hard driving décoiffant qui lui a valu d’être élu par IBMA banjoîste de l’année en 1999 et 2006.
Dès que j’ai pu en trouver je me suis procuré ses tablatures, puis ses publications, et je me suis immergé dans les subtilités de son style très aguerri. Trois albums sous son nom sont sortis au fil des années et tous sont de petits bijoux de banjo Bluegrass. Le tout dernier, « Hide Head Blues » a une particularité, Jim l’a enregistré en utilisant ses vieux banjos Gibson Mastertone originaux Flathead d’avant-guerre, mettant en avant ces pièces de collection dont il était devenu un éminent spécialiste.
C’est d’ailleurs cette activité de collectionneur, de passionné et de fin connaisseur qui occupait la majorité de son temps, ce qui ne l’empêchait nullement par ailleurs de faire de nombreuses sessions discographiques, l’album Bluegrass de Dolly Parton par exemple, ou de participer à des tournées ponctuelles ici ou là, comme celle avec Vince Gill.
En fêlé que je suis des banjos Gibson « Prewar », Jim Mills était une des références ultimes, digne héritier du maître absolu Curtis McPeake avec lequel il a beaucoup collaboré. Au fil du temps Jim s’était constitué une impressionnante collection de banjos Gibson 5 cordes originaux, sans parler de pièces diverses et de tout ce qui concernait l’histoire de ces instruments mythiques, tout comme de « Memorabilia » de Flatt & Scruggs. Dans sa maison il avait installé un showroom et régulièrement il y organisait des journées de présentation et régalait ses participants. Ce n’est pas lui faire offense que de dire que le banjoïste Jim avait également un certain sens du business ! Il achetait, vendait et chaque acquéreur d’un vieux banjo Gibson avait la certitude d’avoir le meilleur pour le budget investi et surtout l’authenticité !
J’ai correspondu avec Jim Mills et il était toujours très prompt et affable, faisant partager sa passion et ses connaissances. Je lui avais acheté le livre qu’il a écrit sur les Banjos Gibson originaux Flathead 5 cordes d’avant-guerre, tout simplement intitulé « Gibson Mastertone Flathead 5-strings Banjos of the 1930’s and 1940’s ». Une bible !!! Jim me l’avait dédicacé, et j’ai dû le lire et le relire je ne sais combien de fois. J’en découvre encore à chaque relecture...
Dans cet ouvrage figure l’histoire du banjo auquel son nom restera définitivement rattaché, un RB-75 plaqué or, sans doute l’unique exemplaire existant, appelé « Mack Crow », du nom de son premier propriétaire. Il y a pas mal d’années Steve Huber avait fabriqué un modèle réplique de ce banjo, le « Jim Mills Model ». Un célèbre banjoïste français en possède un, et ça sonne !
Le monde du Bluegrass est en deuil, encore une fois, et le monde des banjos Gibson est orphelin.