18-02-2021
Article rédigé par Philippe Bony
Peu connu dans le (tout) petit milieu bluegrass français, à l’exception de celles ou ceux qui s’intéressent de près à la construction d’une mandoline F ou d’un banjo 5 cordes, ou encore celles et ceux qui ont lu les magazines « Pickin’ » ou « Frets » dans les années 70 et 80, Roger Siminoff n’est pas vraiment un « perdreau de l’année ».
Né en 1940, il a une formation d’ingénieur et une curiosité qui transcende les barrières disciplinaires habituelles.
Il s’intéresse ainsi rapidement à la construction d’instruments acoustiques et publie des guides complets de construction pour la mandoline à table sculptée de type F, ou le banjo. Ces guides font date et seront actualisés et republiés régulièrement depuis.
En 73, il fait la connaissance de Bruce Bolen, chef du département « Relations avec les artistes » chez Gibson, pour lui présenter un modèle de barre de réglage de manche (truss rod) qu’il a créé; rapidement, son idée est adoptée, passe sous licence Gibson, et Roger se trouve impliqué dans de mutiples projets avec la firme.
Il est obsédé par l’idée d’un « revival » des instruments de l’âge d’or des années 20 chez Gibson, la L5 (guitare), la F5 (mandoline) et le Mastertone (banjo). Il souhaiterait appliquer ses idées, particulièrement le « tap tuning » (accordage de la table massive et des barrages) pour la guitare et la mandoline, et revenir aux spécifications, mesures et techniques de construction de l’époque où Lloyd Loar était l’ingénieur acoustique chez Gibson et où avait été lancée la gamme 5 (1922-1924).
Cette gamme comprenait la guitare L5, la mandoline F5, la mandole H5 et le mandoloncelle K5. Il faut dire que les mandolines produites par Gibson dans les années 70 n’ont plus grand-chose à voir visuellement et surtout d’un point de vue acoustique avec les merveilles de l’ère Lloyd Loar.
Roger a l’oreille de Bruce, mais l’exécutif de Gibson n’est pas intéressé, et il faut attendre un énième changement à la tête de la compagnie pour qu’en 77, il soit chargé, avec une petite équipe et le luthier Bill Halsey, de préparer 3 prototypes pour le salon NAMM de juin 78 à Chicago.
En parallèle à ses activités de consultant pour Gibson, Roger a lancé en 74 le magazine Pickin’, et il propose au service marketing de Gibson de placer une publicité pour la F5-L dans le susdit magazine en créant gratuitement la maquette. Cette publicité, qui commence par « Il y a 60 ans… » et fait référence à l’âge d’or des années 20, est distribuée au salon de Chicago 78, publiée dans Pickin’ et plus tard dans Frets, autre magazine lancé par Roger.
Au salon NAMM, une personne qu’on n’attendait pas est là et demande à voir cette nouvelle mandoline? C'est… Bill Monroe, et il passe un temps non négligeable à essayer et jouer le prototype de F5-L, en alternance avec sa mythique Loar.
L’accueil est excellent, les ventes décollent et la F5-L entre dans l’histoire. Ensuite, après quelques vicissitudes au début de la décennie suivante, dues au management chez Gibson, elle poursuit sa carrière entre les mains de Charlie Derrington, de la fin des années 80 jusqu’à sa mort accidentelle en 2006, puis depuis lors entre celles de David Harvey.
Philippe Bony fut le mandoliniste du groupe Blue Grass Matinée de 1976 à sa dissolution en 2007 (vinyl 33t en 84), puis de Bluegrass Deluxe, Bluegrass Avenue, Moonshine et Wondergrass.
Il a aussi participé au double album France Bluegrass avec Moonshine et Bluegrass Deluxe, aux CD de Gérard Vandestoke, de Wondergrass et de Mathilde Cousin.
Note du webmestre : si un jour vous passez chez Philippe et que l'économiseur d'écran de son ordinateur se déclenche, vous aurez probablement l'occasion de voir les plus belles photos de mandolines... du monde!