Merci Isabelle
Ce qui est amusant dans ces systèmes modaux, c'est que plein de choses "compliquées" de l'harmonie sont abandonnées: finies les cadences (infernales), cette fameuse résolution V7 - I obligatoire dans la musique tonale, finie la hiérarchie des accords et leurs relations, finies les substitutions d'accord.... on pourrait même dire que la notion de tonalité disparait aussi... On évite tous les accords "à tension" (on n'utilise plus les degrés VII à cause de la quinte diminuée) et on favorise les degrés qui étaient considérés comme faibles ou secondaires dans la musique tonale (II - III - VI).
On va rechercher les "vieilles" gammes que l'on peut retourner dans tous les sens sans dommage et, en particulier, la gamme pentatonique (le fameux G-run de tonton Bill Monroe n'est rien d'autre que cette gamme pentatonique en sol). Elle nous vient d'Afrique...
On abandonne les "camions" d'accords des morceaux de swing ou, pire encore, du Bebop pour faire des morceaux entiers sur peu d'accords.
Ainsi "So What" (Miles Davis: King of blues) est composé de deux accords: Dmin7 pour la partie A et Ebmin7 pour la partie B. C'est tout !
La mélodie se développe sur le mode de ré dorien et mi bémol dorien, et le thème est exposé par la contre basse...
Le problème de la majorité des modes, c'est qu'ils sont d'origines africaines ou asiatiques dont la musique se développe sur beaucoup plus de sons que nos 12 sons "tempérés" occidentaux. Donc la majorité de ces modes sont impossibles à jouer pour nous avec nos instruments (sauf le violon et... le dobro...). Cette musique semblerait "fausse" à nos oreilles éduquées à entendre les sons de la gamme tempérée.
Pourtant on a réussi à "apprivoiser" l'une d'elles: c'est devenu la "gamme blues" (que Tonton Bill utilise dans le bluegrass) dans laquelle les "blue notes" permettent, en quelque sorte, de simuler des quarts de tons inexistants dans notre gamme, et d'ailleurs, on se tord tous les doigts sur ces notes pour les monter un rien plus haut (bent)...
La gamme blues n'est rien d'autre qu'une gamme pentatonique mineure (do - mib - fa - sol - sib) à laquelle on a ajouté un fa#. Les 3 blue notes (mib, fa# et sib) vont permettre d'entretenir cette ambigüité "pas-tout-à-fait-majeur-mais-plus-vraiment-mineur-quand-même" propre au blues.
C'est marrant de voir comment Tonton Bill, en inventant le bluegrass dans les années 50 a été, en quelque sorte, un précurseur puisque Miles Davis a inventé son jazz modal dans les années 60.
Allez... bon... là, j'exagère un peu, mais quand même...