Accents graves : contrebasse et guitare basse.

Luc Ven Peteghem, contrebassiste de Blue Maxx (Belgique).
 Luc Ven Peteghem, contrebassiste de Blue Maxx (Belgique). 

Dans une formation bluegrass, on trouvera le plus souvent une contrebasse acoustique à quatre cordes, exactement la même que l’instrument multiséculaire utilisé dans la musique classique. Mais c’est aussi le seul instrument bluegrass qui a le droit d’être électrique ! Il peut s’agir d’une contrebasse électrique, plus pratique à transporter, ou aussi une guitare basse électrique à quatre ou cinq cordes. On aperçoit même parfois un ukulélé basse !

Quel que soit le type de basse, la fonction est la même : asseoir le rythme du groupe par une pulsion à la fois régulière et dynamique, le fameux “drive“. La basse est l’instrument rythmique par excellence ; il est d’usage que le bassiste prenne quelques mesures de solo de temps en temps sur scène, plus rarement en studio. Un album entier sans solo de basse, c’est courant ; un concert sans solo de basse également. Et personne ne s’en plaint ! Le bassiste est aussi indispensable que discret dans une formation de bluegrass.

En bluegrass, la contrebasse est jouée presque exclusivement en pizzicato, c’est-à-dire que les doigts de la main droite (pour un droitier) actionnent directement les cordes. L’archet, peu utilisé, est employé essentiellement dans des parties lentes (introductions, par exemple) pour obtenir des notes longues.

Fondamentale : la pompe

Dans un morceau classique de bluegrass à quatre temps, la basse joue essentiellement le premier et le troisième temps, en alternant la note fondamentale de l’accord et la quinte. C’est ce qu’on appelle « la pompe », qui se combinera avec les “chops“ de mandoline ou de violon qui marquent quant à eux les deuxième et quatrième temps de la mesure (les contretemps) : le rythme fait “poum-tchak, poum-tchak“, la basse jouant le “poum“ et les autre instruments le “tchak“ (la guitare, quant à elle, fait les deux !).

Sur l’essentiel du répertoire bluegrass, la basse se cantonne à ce jeu basique, en ajoutant quelques notes de transition entre les accords, parfois une syncope. Rien de spectaculaire donc, l’efficacité rythmique prime : la basse est au service des autres instrumentistes et vouloir “en rajouter“ est contreproductif.

Petite démonstration : prenons Edgar Meyer, l’un des meilleurs contrebassistes du monde, tous genres confondus. Le voici en duo avec Chris Thile dans “Tarnation”.

Quelle virtuosité, il peut tout faire ! Alors, que jouerait-il sur un standard de bluegrass comme “Big Sciota“ ? Réponse ici (vidéo). Pendant la première boucle, il joue uniquement la note sol, ce que l’on appelle une pédale (ou bourdon). Le principe est de rester sur la même note alors que l’accord change. Ensuite, pendant le reste du morceau, il passe à la pompe, sans la moindre fioriture, mais parfaite rythmiquement. CQFD

Missy Raines à La Roche Bluegrass Festival, France.
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Le flegmatique Matti Friberg, upright Bass, Le Chat Mort
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Danny Booth, contrebasse, avec Jeff Scroggins & Colorado.
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Walking et slap

La walking bass est une technique issue du jazz qui consiste à jouer (sur un morceau à quatre temps) quatre notes (noires) par mesure. En principe des arpèges, c’est-à-dire différentes notes d’un accord (généralement fondamentale, tierce, quinte et sixième). Cela donne une coloration “swing“ et fonctionnera en coordination avec le guitariste et le mandoliniste qui, eux aussi, marqueront tous les temps.

Le passage de la pompe au walking à l’intérieur d’un même morceau peut donner un effet de “boost“ réjouissant. Voici un exemple : “Panhandle Rag“ est un instrumental de Texas swing souvent repris en bluegrass. Ici, l’excellent Dan Booth commence par une pompe un peu syncopée, puis passe en walking dans la partie B du solo de mandoline et ensuite il alterne pompe et walking. Ça swingue du diable !

Le slap est une technique percussive, courante en rockabilly. En bluegrass, on slappe généralement pour donner un surcroît d’énergie rythmique dans une partie instrumentale ou lors d’un solo de contrebasse. Voici Jake Tullock dans “Little Darlin’ Pal Of Mine (vidéo)“. Son slap spectaculaire vole la vedette à Earl Scruggs himself !

Jam au New Jersey Folk Festival, ville de New Brunswick, N.J. Une contrebasse Kay, la légende !
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Rare : une contrebasse jouée aux doigts (pizzicatti) et une autre à l'archet.
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Certains débrouillards ont une contrebasse avec caisse de résonnance de taille réduite.
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Quelque grands noms de la basse bluegrass

Roy Huskey Jr (disparu en 1997), Missy Raines, Todd Phillips, Mark Schatz ont joué quasiment avec tous les grands noms du bluegrass. D’autres sont davantage liés à un groupe : Barry Bales (avec Alison Krauss), Marshall Wilborn (avec Lynn Morris, Michael Cleveland…), Mike Bub (avec Del Mc Coury)…

Petit joyau : Missy Raines, Todd Phillips et Mike Bub font un solo en alternance sur la même basse.

Les nouveaux surdoués 

Ils ne décrochent pas (encore) de “IBMA Awards“ car ils ne sont pas “100% bluegrass“; ils concilient une culture bluegrass avec une formation de haut niveau classique ou jazz et ils sont phénoménaux : Paul Kowert (avec les Punch Brothers), Ethan Jodziewicz (avec Sierra Hull) et bien d’autres jeunes contrebassistes dans les nouveaux groupes.

Les bassistes électriques

Larry Cohen (Skyline), John Cowan (New Grass Revival), Nick Forster (Hot Rize), Joël Landsberg (Krüger Brothers)…
Comme on n’a pas encore écouté de basse électrique, voici les Krüger Brothers avec “Carolina in the fall“ et un beau son de guitare basse à cinq cordes.

La basse, c’est encore mieux quand on l’entend !

On a tendance à écouter la musique sur des smartphones, tablettes ou ordinateurs équipés de haut-parleurs minuscules qui rendent souvent la basse inaudible, et c’est bien dommage car cela annihile les efforts des musiciens et ingénieurs du son. Pour apprécier un jeu de basse, il faut absolument des enceintes correctes ou un casque !

Page rédigée par Alain Kempf

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